En République Démocratique du Congo, la décentralisation devait être le moteur d’un développement équilibré, une promesse de proximité entre l’État et ses citoyens. Elle devait donner aux provinces les moyens de leurs ambitions.
Mais à l’épreuve des faits, elle ressemble davantage à une chimère. La cause ? Une réticence persistante du pouvoir central à rétrocéder les fonds dus. Un blocage silencieux, mais dévastateur, qui paralyse l’action publique locale.
Une promesse constitutionnelle trahie
La Constitution congolaise est pourtant claire : les provinces doivent recevoir une part des recettes nationales à travers le mécanisme de rétrocession. Ce transfert est censé garantir leur autonomie de gestion et leur permettre de répondre efficacement aux besoins de leurs populations. Mais la réalité est tout autre. Les fonds n’arrivent que partiellement, souvent en retard, et parfois, pas du tout. Ce manquement récurrent transforme la décentralisation en coquille vide.
Des provinces au bord de l’asphyxie
Conséquence directe : des gouvernorats sous perfusion, incapables de planifier ou de réaliser des projets concrets. Les routes se dégradent, les écoles manquent de moyens, les centres de santé sont absents dans des zones entières. Les gouverneurs, pieds et poings liés, multiplient les promesses qu’ils ne peuvent tenir, pendant que la population gronde, déçue de l’inaction visible sur le terrain.
Pour tenter de maintenir la tête hors de l’eau, certains dirigeants provinciaux se tournent vers des solutions alternatives : partenariats publics-privés, emprunts bancaires ou exploitation maigre des régies financières locales. Mais ces mesures ne suffisent pas à compenser l’absence des fonds de Kinshasa.
Fonctionnaires oubliés, administrations en détresse
Au cœur de cette crise silencieuse, les fonctionnaires provinciaux subissent de plein fouet les effets du manque de rétrocession. Retards de salaire, primes inexistantes, conditions de travail dégradées : dans plusieurs provinces, les administrations tournent au ralenti, menaçant même de sombrer dans l’immobilisme total. Ce climat d’abandon mine le moral des agents publics et compromet la qualité des services à la population.
La décentralisation vidée de son essence
Certains invoquent la situation sécuritaire dégradée dans l’Est du pays pour expliquer ce déséquilibre. Mais cela ne saurait justifier le non-respect chronique d’une obligation constitutionnelle. Le refus de rétrocession est une trahison du principe même de la décentralisation, qui voit les provinces dépendre totalement d’un pouvoir central qui peine à tenir parole. Ce déséquilibre nourrit la frustration, la défiance et alimente les tensions entre Kinshasa et les entités territoriales.
Vers un sursaut politique ?
Face à cette impasse, les appels à une réforme du système de rétrocession se multiplient. Parmi les pistes évoquées : automatisation des transferts, transparence accrue des finances publiques, sanctions contre les manquements répétés du pouvoir central. Mais toute réforme nécessite un courage politique qui, jusqu’à présent, semble cruellement faire défaut.
En vérité, le problème de la rétrocession n’est pas qu’un enjeu technique ou budgétaire : il est le révélateur d’un mal plus profond, celui d’un État qui peine à faire confiance à ses propres provinces. Restaurer cette confiance passe par un acte simple mais fondamental : respecter la Constitution. Sans cela, la décentralisation restera une illusion, et le développement local, un rêve éternellement différé.
Rédaction