Lancé avec fracas et présenté comme l’un des symboles de la volonté présidentielle de désenclaver les centres urbains en République démocratique du Congo, le projet Tshilejelu, censé impulser une transformation des infrastructures urbaines, se heurte à une triste réalité dans la province de Lomami. À Kabinda, chef-lieu de la province, comme à Mwene-Ditu, l’attente se prolonge dans un silence assourdissant, tandis que les signaux d’un quelconque démarrage des travaux relèvent encore du domaine du mirage.
Si à Mwene-Ditu quelques travaux embryonnaires avaient laissé entrevoir une lueur d’espoir, ils se sont rapidement arrêtés, sans explication publique. À Kabinda, le constat est encore plus amer : aucun engin, aucun personnel technique, aucun mouvement de terrain n’a été observé depuis l’annonce du programme. Un silence opérationnel qui contraste avec les ambitions initiales affichées au plus haut niveau de l’État.
Des promesses creuses et une exécution absente
Sous l’administration de l’ancien gouverneur Nathan Ilunga Numbi, plusieurs promesses avaient été formulées, souvent relayées dans les médias locaux, annonçant le début imminent des travaux. Ces engagements n’ont cependant jamais été suivis d’actes concrets. L’espoir né de l’arrivée de son successeur, Iron-Van Kalombo, porté par ses accointances supposées à Kinshasa, s’est rapidement dissipé, rattrapé par l’inertie administrative et l’indifférence apparente du pouvoir central.
La classe politique lomamienne : entre mutisme et complicité silencieuse
La passivité des députés nationaux et sénateurs élus dans la province interpelle. Détenteurs d’un pouvoir d’interpellation, ils se sont majoritairement contentés de démarches protocolaires, souvent qualifiées de « visites de courtoisie » aux différents ministères impliqués dans le projet Tshilejelu, sans en retirer d’engagements fermes ni de résultats concrets. Cette posture questionne : assistons-nous à un déficit de leadership, à une complaisance calculée ou à une abdication pure et simple face à leurs responsabilités représentatives ?
Le contraste est saisissant avec la progression visible du même projet dans les provinces voisines du Kasaï Oriental (Mbujimayi) et du Kasaï Central (Kananga), où les populations bénéficient déjà des retombées d’un programme pourtant annoncé comme national et équitable.
Un traitement inégal dans le Grand Kasaï ?
Ce déséquilibre régional soulève de sérieuses interrogations. Pourquoi Lomami est-elle systématiquement marginalisée dans les politiques nationales de développement ? Est-elle victime d’un oubli administratif ou d’une ségrégation déguisée sous l’étiquette du « Grand Kasaï », qui peine à se traduire par une répartition équitable des ressources ? Cette mise à l’écart alimente un ressentiment croissant au sein des populations locales, qui se sentent trahies par un État qu’elles ont pourtant soutenu avec conviction.
L’urgence d’un sursaut politique et citoyen
Il est temps pour les élus de Lomami de rompre le silence et d’exiger, avec la fermeté que leur confère leur mandat, la matérialisation des engagements pris par le gouvernement central. Il en va de leur crédibilité, mais surtout de l’avenir de leurs territoires respectifs. Kabinda et Mwene-Ditu ne peuvent rester indéfiniment les parent pauvres d’un projet pourtant conçu pour tous.
La population, quant à elle, doit maintenir une vigilance citoyenne et amplifier la pression démocratique. Car dans ce pays, où les priorités semblent souvent déterminées par la clameur et non par le mérite, seul le bruit de l’indignation collective peut encore secouer l’indifférence.
Le projet Tshilejelu devait être un pont vers le développement. À Lomami, il n’est, pour l’instant, qu’un mirage de plus.
Alain Bingila